Les réponses d'Oncle Michel

La possession est une illusion

Dans le livre un sommet magnifique, Oncle Michel répond à une question de son neveu sur la relation aux objets. Quel lien entretenons-nous avec les biens matériels ? Il en conclue que la possession est une illusion.

Nous voyons les éléments matériels, tels que les objets, comme des parties physiques séparées du reste, séparées de nous et séparées de tous les autres éléments. Nous ne considérons que les dimensions technique et matérielle des choses.

Lorsque nous portons notre attention sur une chaise, par exemple, nous la voyons comme un simple élément physique, indépendant de tout. La principale interaction que nous pourrions avoir avec cette chaise, c’est de s’assoir dessus. C’est sa fonction primaire et c’est pour cela qu’elle a été conçue.

Maintenant, si nous regardions toutes ces choses non pas comme de simples objets indépendants mais comme des éléments résultants d’une multitude d’interactions, telles que la combinaison de matériaux, le fruit d’un travail collectif ou l’aboutissement d’une histoire, cela changerait-il notre perception des objets et la relation que nous entretenons avec eux ?

En y regardant de plus près, cette chaise que nous observons n’est pas née « chaise ». Elle n’est pas apparue de rien, en provenance directe du néant. Elle a été fabriquée à partir de différents matériaux, par des ouvriers. Ces ouvriers ont utilisé des machines qui ont elles-mêmes été pensées et fabriquées par d’autres personnes. Ces personnes ont elles-mêmes été formées et éduquées par d’autres… et ainsi de suite.

Focalisons maintenant sur l’osier qui a permis de fabriquer le dossier de cette chaise. Il est issu d’une oseraie. Cette oseraie est entretenue par une famille qui vit de cette exploitation. L’osier a été touché par des mains de travailleurs étrangers qui vivent dans des conditions bien différentes des nôtres. Les saules à l’origine de cet osier ont dû être arrosés. D’où venait cette eau ? Comment a-t-elle été apportée jusqu’à l’exploitation ? Certaines conditions climatiques ont été nécessaires, des infrastructures également.
Cet osier a ensuite été transporté dans une vannerie pour y être transformé, là encore, par des personnes dont c’est le métier et qui vivent de cette activité. La chaise a dû ensuite être acheminée jusqu’au magasin où elle a été achetée, là aussi, grâce à des personnes, grâce à des engins inventés et construits par d’autres…

Nous pouvons maintenant visualiser la multiplicité des conditions qui ont permis à cette chaise d’apparaître ? À chaque fois que l’on focalise sur un seul aspect de l’objet, on découvre une quantité incroyable de conditions ayant permis à cet élément précis d’exister. Puis, à chaque fois que l’on s’intéresse à une seule de ces conditions, on découvre là encore une multitude d’autres circonstances… cela est exponentiel et infini.

Nous pouvons désormais comprendre que chaque objet est finalement bien plus que sa simple caractéristique fonctionnelle. Si nous considérons les éléments matériels dans leur globalité, en prenant en compte tout ce qui ne se voit pas, nous abordons alors les choses bien différemment, n’est-ce pas ? Les objets ne sont plus perçus uniquement comme une fonctionnalité, ou à travers une valeur marchande, ils ont une histoire, un parcours, une existence qui ont été rendus possibles grâce à grand nombre de personnes qui ont su apporter une contribution, même très lointaine, à leur création.

Sachant cela, lorsque nous parlons de « mon » objet, est-il finalement vraiment le nôtre ? Certes, nous l’avons acheté mais cet argent nous en donne-t-il vraiment la possession quand on prend conscience du nombre de personnes, mortes et vivantes, qui ont contribué directement ou indirectement à sa conception, à sa fabrication et à son acheminement ?

Cette notion de possession est une illusion. C’est une histoire que l’on se raconte pour glorifier notre ego mais, en fin de compte, nous ne possédons rien. La chaise que nous venons d’observer n’est pas telle que nous la définissons. C’est une émanation du saule qui a produit l’osier. C’est une émanation de la pluie qui a nourri le saule. C’est une émanation du nuage qui a porté la pluie. C’est une émanation du lac qui a permis au nuage de se former…

Si en observant la chaise, nous arrivons à percevoir ce lac, alors nous saisissons l’essence profonde des objets. Cette chaise est l’Univers. Les objets sont l’Univers. Tout est interconnecté, tout est une seule et même force, celle de la Vie.

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